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La Vieille

Publié le par Secador

Mur d'enceinte romain de l'oppidum de Gaujac (Gard)

Mur d'enceinte romain de l'oppidum de Gaujac (Gard)

La vieille dame ne parvenait pas à décider si elle devait partir ou rester. Ses cousins, à chacune de leurs visites essayaient de la convaincre de rentrer en maison de retraite

_"Tu serais mieux ! Bien chauffée, sans avoir à te préoccuper d'allumer chaque matin la cuisinière à bois, à charrier tout ce bois depuis la cave. Et puis ces escaliers tout de travers où tu manques de tomber à chaque marche, et qui plus est empêtrée de ta canne ! Indispensable, mais qui te dessert dans cette maison vieille et inadaptée à ta vie solitaire."

Mais la vieille s'entêtait. Elle avait vécu là toute sa vie. Et depuis plus de vingt ans que son mari était mort, elle s'était accoutumée à cette liberté, nouvelle alors, qu'elle n'avait jamais connue. Vous comprenez que : lui demander de retourner sous la coupe de qui que ce soit... Plutôt mourir !

La mort est une compagnie quotidienne pour une personne de cet âge. Plus de quatre-vingt-dix ans! Pensez donc! Mais tant qu'on tient on tient! Tant que le pire n'est pas arrivé : la chute irrémédiable qui brise le col du fémur ; le froid qui embue les poumons jusqu'à les faire cracher un venin sanguinolent.

La vieille cuisinière peut attendre qu'elle ait le courage de tirer le cendrier, d'aller quérir le bois dans la remise du dessous. Tant qu'il ne pleut pas et que les degrés de pierre de l’entrée ne glissent pas comme s'ils étaient couverts de verglas !

Tout s'est rapetissé. La mobilité se réduisant, les promenades « au bon du jour » de l'hiver se sont rétrécies. Les tours de village se sont de plus en plus réduits. La vie sociale a suivi, les rencontres se font plus rares, se sont restreintes aux voisins les plus immédiats. Même les marchands ambulants ne sont, pour elle, plus accessibles.

Elle doit compter sur le secours des connaissances pour subsister, lui portant le pain trois fois par semaine. Le fils monte, depuis la ville chaque samedi, pour amener les provisions, préparer le bois pour l'hiver, entretenir les terres et les bâtiments. Taillable et corvéable, il vient toujours seul, sa famille ne participant pas à l'entretien de la vieille.

_"Et s'il m'arrive quelque chose ? Tu es foutue ! Il ne faudrait pas que je tombe malade ou que j'ai un accident!" lui assène-t-il souvent.

Tous ces discours, la vieille les a entendus ; elle s'en est faite rabattre les oreilles si souvent ; elle les ressasse quand elle est seule, assise sur la chaise de sa cuisine. Sa cuisine qui est la seule pièce éclairée de la maison. À côté la chambre qui a la même orientation, plein sud. Le solde des pièces est au fond, au nord.

Une cheminée ancienne, dont le foyer s'ouvre à même le sol où elle entasse le bois désormais, est à l’arrière. À son côté trône la cuisinière qui est la seule source de chaleur. Au fond, la pierre d'évier avec le robinet, montant l'eau de la Commune en remplacement de l'aiguière.

L'installation n'a pas évolué depuis les premiers temps du mariage : une table simple de bons bois, un buffet de même acabit sur lequel trône la télévision et une radio ; c'est bien la seule marque de modernité avec le téléphone. Quatre chaises, un placard ancien dans le mur. Les fenêtres sont égayées de rideaux au crochet. Un simple luminaire éclaire la table.

"Sûrement que la maison de retraite sera plus confortable que mon antiquité, mais que voulez-vous, j'y suis habituée. J'ai une vue magnifique... et je ne peux plus aller au jardin. Tant que j'ai pu rejoindre le jardin ma vie était heureuse. Je faisais une promenade jusqu'aux châtaigniers. Je voyais parfois une sauvagine. Je coupais ma salade, mes choux."

Voilà un an que ces paroles furent échangées.

Cela fera bientôt un an que notre vieille voisine a rejoint la maison de retraite. Ses volets baillent aux quatre vents ! Le linge ne sèche plus sur la façade. Le fils ne vient plus entretenir la propriété qui sent l’abandon : les prés ne sont pas fauchés, les murettes perdent leurs pierres poussées par les sangliers et les mouflons. La vie s’est retirée de cette demeure.

Et la vieille dame attend patiemment dans son fauteuil l’examen de passage au trépas que chacun réussit du mieux qu’il peut !

 

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Bienvenue dans le monde « d’Absurdie ».

Publié le par Secador

Bienvenue dans le monde « d’Absurdie ».

 

Pour les cinéphiles.

Je recommande  « Le retour des hirondelles » de LI RIUJUN. Chine 2023.

***

Aujourd’hui « notre Monde »s’emploie à contourner les règles.

Nous autres donc.

Nous le constatons pour les états, pour les groupes politiques, pour les groupes sociaux...

Pris en flagrant délit de contournement nous assènent : « Il est de bon ton d’innover. Avançons » !

Quand les règles basiques ne sont plus respectées, le chaos s’installe ouvrant une voie royale (ou impériale) aux extrémismes.

Tous nous sommes responsables. Le climat nous le rappelle cruellement.

Chacun y trouvera du sens.

Nous sommes intelligents !

Prouvons-le !

 

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Un fantôme dans la nuit.

Publié le par Secador

© L. Azaïs

© L. Azaïs

Réveil dans la nuit. Une forme humaine me tire de mon sommeil, en étirant comme par une écharpe toutes les parties de mon corps, formant une draperie entre elle et moi digne du statuaire de Michel Ange. Parfaitement réveillé après un moment de flottement, je ressens une chaleur légèrement douloureuse mais agréable envahir tout le corps, ne laissant aucune partie à l’abandon. Est-ce que mon corps du dehors converse avec mon corps du dedans… ? Je profite de ce bien être de longues minutes avant de retrouver imperceptiblement le sommeil.

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La « Jaçe » abandonnée.

Publié le par Secador

La jaça e sos vestits vielhs! © L.A.

La jaça e sos vestits vielhs! © L.A.

En limite de la châtaigneraie et de la hêtraie, une belle bergerie tient encore debout. Ses lauzes sont bien alignées sur la toiture. La mousse l’a colonisé. De-ci de-là, le lierre monte à l’assaut des murs bâtis de belles pierres à peine équarries. Sombres ou grises.

A ses pieds, un « pesquier » immense, étayé dès le mur de soutien de la « Jaçe du pré du pommier ». Toponyme oublié des cartes d’état-major modernes. L’eau s’y installe toujours depuis la source qui s’écoule en un mince filet encombré de pierres, de lichens, de branches mortes tombées des châtaigniers qui croissent alentours. Des escaliers volants rejoignent encore le fond de la réserve d’eau, attendant le berger qui le nettoiera ?

Le pré d’une belle étendue, en contrebas, n’est plus fauché depuis des lustres. Des sapins noirs ont poussé, semant la mort en ce lieu verdoyant ! En haut de la pente, bien au dessus de la « Jaçe », protégé du nord par un haut mur, des ruches rustiques et rupestres _par la lauze posée comme un couvercle_ attendent en vain l’essaim…

La porte entrebâillée laisse percevoir une longue pièce au sol jonché de fumier. Courent le long des murs, façonnés dans le châtaigner, les mangeoires où sont encore accrochées entre les barreaux, des poignées de foin sec. A une cheville de la poutre attendent deux bourgerons d’un bleu délavé. Quelques lauzes sortant du mur invitent à grimper dans le pailler où une réserve conséquente espère le retour du troupeau.

Le vent dehors, reprend son chant alanguis ; il porte comme un son faible de sonnailles !

 

 

Publié dans Haut Pays

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Lundi 27 septembre

Publié le par Secador

Lundi 27 septembre

Cette grimpée n’est que conflits de pierres déracinées et de rochers percutants. La lutte est inégale entre la volonté du pasteur et les chèvres qui s’égarent dans les éboulis. Elles se jouent de lui ne craignant pas user leurs cuirs de tambour sur les griffes de la salsepareille. Elles trouvent toujours une feuille à brouter, un rameau à croquer. Elles se jouent de tous les obstacles alors que lui cherche une assise solide à la semelle crantée de ses rudes souliers.

Les chèvres suivent ce pasteur arrogant les menant par les parois abruptes au sommet de la serre, sur un replat magnifique où se dressent les quatre murs ruinés d’une chapelle wisigothe. Quelques autres murailles surgissent ça et là entre les rejets d’yeuses. Un promontoire rocheux couronne la falaise. La vue s’étend jusqu’à la mer mais pas au-delà des Pyrénées dont la chaîne s’étire entre des nuages monstrueux. Au pied du veilleur, un fleuve serpente dans une gorge redoutable qui n’en finit pas de dérouler son écharpe d’argent entre des grèves blanches et des falaises sauvages d’ocre. Quelques vignes vendangées escaladent les collines jusqu’au bleu du ciel où un rapace tournoie sans fin écorchant l’azur de son cri strident.

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Promenons nous dans le bois

Publié le par Secador

Promenons nous dans le bois
Promenons nous dans le bois
Promenons nous dans le bois
Promenons nous dans le bois
Promenons nous dans le bois
Promenons nous dans le bois

Crédit photographique, Maryse Saxod, Luc Azaïs

Vous avez profité de l'absence des chasseurs

de la présence du soleil

de l'impossibilité de vous rejoindre

pour nous faire baver d'efforts non accomplis

sauf pour ma pomme de remuer des tonnes

de bois pour emplir le bûcher,

la flamme de la cheminée ranimer

cette petite flamme qui brûle en nos cœurs

comme autant de tabernacles rougeoyants.

Ainsi s'anime une dernière fois la nature

en un feu d'artifices de couleurs et de senteurs

Ah! pourrais-je finir en une telle beauté?

avant de rejoindre comme la feuille, l'humus

préparant la Renaissance du Monde!

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La Covida dètz e nòu

Publié le par Secador

La Covida dètz e nòu

Sus lo banc del teron, lo Baron, la Pigasona, l'Estequit, Tamati. Es un solelh bèl qui sosten la nòstra cola. Los òrts dejós la parabanda son laurats de fresc. Quauques tijas verdas saboran d'aiçaí d'ailà entre las regas de tèrra alunhadas per la punta d'una aissadon. Lo fraisse gròs as sortís dels fuèlhas per borrilhs. Pas cap d'aureta per remenar lo verdum. La calama es Olimpiena.

Parabanel e Cigala abrivan per l'enbàs del vilatge. Pòrtan de masquetas qui amagan lo nas e la boca. Patisson per pujar la calada. Quand se sarran, ausisson bufar. Lor can Fifi los precedís e nifla cada mata d'èrba que las pèiras ne podan pas destorbar de butar.

_ Alara Parabanel? Qu'es qu'as ligat dessús la cara? Carnaval es passat per te desguisat coma aquò! Manda l'Estequit.

_ Fasèm coma se dison a la television. Los mai de seissanta ans, sèm vulnerables. Es conselhat de portar masquetas. Avèm nosautras un brava escag dins l'armari de farmacia. Aviam garda desempuèi que Cigala prenguèt la retirada.

_ Pareis qui ne'n a pas pus en sèrva enlòc, quite a l'espital! Ven la Cigala. Avia al Cabinet una brava partida que aviái fach venir per l'intermediari de Vachalet, la ministre del Santat d'aquel epòca. Soi esta me servir. Te! L'ai plan ganhat! I en a pro per los collègas. Estan plan plegats dins unas boitas de plastics, an pas pres un plec.

_ Cresi pas an aquela fasenda de virus. Dison aquò, lo governament, per nos espaurugar e nos faire téner suau. Cossi vòles que lo virus abriva per aquí ambe lo pauc de monde qui circula dins los autobús. Que los chinés se gardon lor virus!

_ Davant que los chinés abrivan aquí !... Nosautras, ne'n avèm jamai vist. N'i en avia pas avant que dobrisson un ostalariá en Lalouma. Pareis que pas digús i met pas lo pè, quite los curistas!

_ Meteis los arabas, ne'n avèm pas! Alara lo virus! Aponda lo Baron.

_ Pareis qu'i a un Kebab en Sant Patin. Anam jamai al fin fond del valat! Pr'aquò es si luènh! Desempuèi aquel acamp de Arkis... son jamai davalat aperaquí. Aiman mai la pluèja e las vacas!

_ Passejan jamai dins lo vilatge aquel mond! O alara, en veitura. Mas davalan pas coma ne'n avèm pas de botigas. Sèm quiets. Cosi vòls que lo virus capita aquí?

_ Se podiá faire que los cercanièrencs anam lo quère a la ciutat en trevant los supermarcats!

_ Son los retirats que son venguts crompar un ostal aicí qui trèvan a la vila. Nosautras i anam jamai que per l'espital o crebar! Repàpia la Pigasona.

_ Es per aquò que sèm decidit de portar la masqueta. Sèm jamai prudent de tròp! Encarit la Cigala. Es coma lo nívol de Tchernobyl, es pas los tèrmes que van lo téner.

_ Ieu, ven lo Baron, ambe l'òrt, las consèrvas e las tisanas que se trapan per amont, ai pas lo besonh d'anar a la vila rescontrar aquelas salopariás. Meteis en Lalouma n'i vau pas. Encara mens a Sant Patin! La masqueta es pas per ieu!

Te! perque n'as pas botat sul nas de Fifi? Nifla de pertot. Benlèu poriás aprene a niflar lo virus puslèu que las trufas! Galeja l'Estequit.

Un còp de mai ai trapat qu'a Cercanières lo jutjament èri pas equitablament despartit. Tot en tornant prene la rampa cap a l'ostal, me disi que los governaments avian trapat dins la masqueta un biais pas car per mandar lo virus en fasent creire qu'apara; e d'escampar a pas gaire, per la paur e l'alunhament , e d'organisar una paur mondiala e forçada sus los populacions... e qui o sap, resquilhar sin bruch daus un Estat totalitaria.

 

 

 

 

 

 

Publié dans Cercanières

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La Convidacion

Publié le par Secador

La Tanne et son escalier.

La Tanne et son escalier.

Sur le banc du Théron, le Baron, la Pigassoune, l'Estéquit, Tamati. C'est un beau soleil qui soutient notre compagnie. Les jardins sous la terrasse sont remués de frais. Quelques tiges vertes pointent ça et là entre les traits de terre alignés par la pointe d'une serfouette. Le gros frêne a sorti des feuilles par paquets. Aucun souffle n'agite la verdure. Le calme est Olympien.

Parabanel et Cigale arrivent par le bas du village. Ils portent des masques qui leur cachent le nez et la bouche. Ils peinent pour monter la calade. Quand ils approchent, on les entend souffler. Leur chien Fifi les précède et renifle chaque touffe d'herbe que les pierres ne parviennent pas à empêcher de pousser.

_ Alors ! Parabanel, qu'est-ce que tu as attaché sur le visage. On a passé Carnaval pour te déguiser ainsi ! Envoie l'Estéquit.

_ On fait comme ils ont dit à la télévision. Les plus de soixante cinq ans, nous sommes vulnérables. Il est conseillé de porter des masques. Nous en avons un bon lot dans l'armoire à pharmacie. Nous les avions gardé depuis que Cigale a pris la retraite.

_ Y paraît qu'il n'y en a plus en réserve nulle part, même à l'hôpital, dit Cigale. J'en avais au Cabinet un bon lot que j'avais fait venir par l'intermédiaire de Vachalet, le ministre de la santé d'alors. Je suis allé me servir. Té ! Il en reste pour les collègues suffisamment. Ils étaient bien rangé dans des boites plastiques, ils n'ont pas pris une ride !

_ J'y crois pas à cette affaire de virus. Ils disent ça, le gouvernement, pour nous apeurer et nous faire rester tranquille. Comment veux-tu que le virus arrive jusqu'ici avec le peu de monde qui circule dans les bus. Que les chinois se le gardent leur virus !

_ Avant que les chinois arrivent ici ! … Nous, on n'en a encore jamais vu. Il n'y en avait pas dans la contrée avant qu'ils ouvrent un restaurant à Lalouma. Y paraît que plus personne n'y met les pieds, m^me pas les curistes !

_ Même des arabes, nous n'en avons pas ! Alors, le virus ! Ajoute le Baron.

_ Parait qu'il y a un Kébab à Saint Patin. Nous n'y allons jamais là au fond de la vallée, pourtant c'est pas si loin. Depuis ce camp de Harkis... ils ne sont jamais descendus vers ici. Ils préfèrent la pluie et les vaches !

_ Y passent jamais dans le village ces gens là. Ou alors c'est en voiture. Mais ils ne descendent pas comme nous n'avons aucun commerce. On est tranquille. Comment veux-tu que le virus arrive ici.

_ Il se pourrait que les Cercanièrois aillent le chercher à la ville en fréquentant les super marchés !

_ Ce sont les retraités venus acheter ici qui fréquentent la ville. Nous on y va que pour l'hôpital ou mourir ! Radotte la Pigasoune.

_ C'est pour cela qu'on s'est décidé à porter le masque, on n'est jamais assez prudent ! Renchérit Cigale. C'est comme le nuage de Tchernobyl, c'est pas la frontière qui va le contenir !

_ Moi , dit le Baron. Avec le jardin, les conserves et les tisanes que je trouve dans la montagne, je n'ai pas besoin d'aller à la ville rencontrer ces saloperies. Même à Lalouma je n'y vais pas. Encore moins à Saint Patin ! Le masque, c'est pas pour moi !

_ Té ! Pourquoi tu n'en as pas mis sur le museau de Fifi. Il renifle partout. Peut-être tu pourrais lui apprendre à renifler le virus plutôt que les truffes ! Hé!hé ! Plaisante l'Estéquit.

Une fois de plus j'ai trouvé qu'à Cercanières le bon sens n'était pas équitablement partagé. Tout en reprenant la rampe conduisant chez moi, je me dis que les gouvernements avaient trouvé dans le masque un moyen peu onéreux pour transmettre le virus en faisant croire qu'il protège ; et de se débarrasser à peu de frais des plus fragiles, par le stress de la distanciation, et d'organiser une peur mondiale et contraignante sur les populations... et qui sait glisser à petit bruit vers un État totalitaire.

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans Cercanières

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La Diva

Publié le par Secador

La Diva

Sur le banc du Théron, le Baron, la Pigassoune, l'Estéquit, Tamati. Les cigales commencent à fatiguer. Le grillon n'est pas encore prêt à les remplacer. Le crapaud dans la vase ose lever le nez de temps à autre pour produire des bulles qui un court instant contraignent la rage du jet d'eau bien fatigué en cette fin d'été.

_ Parait que Titin est fatigué ! M'as dis sa femme. Avance le Baron.

_ Oh ! C'est bien vrai ! Il ne fait que dormir. Je pense pas qu'il soit malade, lui qui est passé au travers de bien des malheurs... Le Pauvre ! Il faudrait pas que ça le reprenne ce qu'il a eu ! Lance la Pigasoune.

Nos amis qui ont entendu un âne braire mais qui ne sa vent pas dans quelle étable, tentent une « trapanelle1 » à Tamati toujours informée de la moindre toux propulsée par delà le village. Sans pudeur, elle tombe dans le piège.

_ C'est la venue de cette cantatrice qui l'a tout tourneboulé. Y paraît qu'y z'ont reçu au moins douze « mèls »2, disant qu'elle a besoin de ci, de ça, qu'elle veut des fleurs en bouquets, puis qu'elle change d'avis parce qu’elles vont faner avec la grosse chaleur...

_ Oh!la la ! J'la comprends ; même dans l'église par cette canicule... !!! tout se flétrit ! renchérit la Pigasoune.

_ Y 'a fallu qu'y tire le fil de l'électricité le matin de bonne heure au travers du village parce qu'elle devait absolument essayer son bazar avant la canicule. M'as dit Coucou. Encore qu'y paraît que la Cantatrice voulait arriver aux aurores ! Y z'on réussi à la retenir par les basques pour qu'elle freine, et qu'elle ne réveille notre beau village que bien après le chant du coq !

_ Mais c'est quoi son « bazar » demande le Baron, toujours un peu à la ramasse.

_ Je te le dis pour rien !Comme son organiste n'était pas disponible, qu'y paraît ; la Cantatrice a porté un enregistrement pour soutenir sa voix, dès fois qu'elle aurait pu défaillir !

_ Elle pouvait pas chanter « a capella » dans la chapelle! Non ?

_ Ben non, ce sont les chorales qui chantent sans instruments de musiques... juste au diapason du chef !

_ Tu en connais des choses l'Estéquit ! S'exclame la Pigasoune.

_Coucou m'as dit aussi qu'y a fallu lui trouver un tabouret vite fait, le plus haut qu'on ait pu trouver, qu'elle puisse se reposer le coccyx entre les chants …

_ Qu'est-ce que c'est le cochys ? Demande le Baron.

Un silence entendu ponctue la conversation... débridée jusqu'à présent. Aucun dans l'assemblée se sent capable de donner une définition acceptable au Baron. Pour atténuer la pesanteur ambiante, la Pigassoune lâche.

_ C'est le bout du monde par lequel on pose son cul ! Sur la chaise... !!!

Le hochement de tête entendu du Baron laisse présager qu'il vient de faire une découverte anatomique.

_ J'ai gardé le meilleur pour la fin. Coucou m'a dit que la chanteuse voulait qu'on renverse les bancs pour qu'on la voie mieux ; qu'elle se tiendrait au fond de l'église, sous la cloche, non dans le chœur comme c'est acoustiquement prévu dans les chapelles romanes, par les anciens moines qui s'y connaissaient eux, z'en acoustique. C'est pour cette raison que les artistes demandent à se produire chez nous, non !?.

_ Elle a dit aussi que la Diva avait demandé à son mari d'accrocher le bouton du sous tif de sa robe de scène. Qu'elle lui en a fait une de scène à son homme d'avoir consenti de la tripoter !

En retournant vers ma demeure, un tantinet estomaquée, je me pensais tout bas que si une Diva me proposait à l'avenir ses sévices, je la refuserai avec tout son falbala de Diva. Na !

 

 

 

 

1Chausse trappe.

2Mail

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Les Déchets

Publié le par Secador

Les Déchets

Sur le banc du Théron, le Baron, la Pigassoune, l'Estéquit, Tamati. Les cigales commencent à fatiguer. Le grillon n'est pas encore prêt à les remplacer. Le crapaud dans la vase ose lever le nez de temps à autre pour produire des bulles qui un court instant éteignent la rage du jet d'eau bien fatigué en cette fin d'été.

_ Parait que Trompétou s'est faite remettre en place par le garde champêtre, dit la Pigassoune.

_ A quel propos ? Demande le Baron.

_ Il l'a surprise en train de faire les poubelles...

_ Hum ! Y a pas de quoi fouetter un chat !

_ Elle lui aurait répliqué que depuis des lustres, elle se nourrissait, s'habillait, se chaussait, et décorait son intérieur aux frais des Ordures Ménagères.

_ Belle manière de récupérer la taxe ménagère, se lance l'Estéquit.

_ Bah ! Elle a toujours été comme ça, ose Tamati. Déjà petite, elle habillait ses poupées des peilhes1 qu'elle dégotait aux escoubilhes2 !

_ Avec Coucou, elles ont monté une association contre le gaspillage des matières plastiques s'avance la Pigassoune. Parait qu'elles ont écrit une lettre au Président de la République, aux députés, aux cantonniers et leur président, comment qu'on l'appelle déjà  le Conseiller du Canton.

_ Oui, c'est ça. Manicle. Celui qui fait toujours le même discours et qu'on l'aime bien que ça fait trente ans qu'on l'a réélu !

_ Parce que il place nos enfants pour des boulots bien peinards dans l'encontrade3. Pour ça il est bon. Parce que l'agriculture ici, elle est morte. Elle nourrit plus son homme. Même l'industrie des comportes en plastique a fini par couler, rajoute le Baron.

_ Les vignes sont toutes arrachées, surenchérit l'Estéquit. A part le Raspot, qui s'acharne à produire bio, et le Sangvieux qui traite à tout va, plus personne ne vigneronne vraiment ici.

_ Mis à part un maigre troupeau de chèvres pour contenir la forêt, toutes les terres sont en friches et bientôt nous serons envahit par les arbres. Quand j'étais enfant, il n'y avait pas un lopin de terre sans son olivier, son cerisier ou ses légumes. Ah ! Si mon père revenait ! Pauvre Baron. Il ne se reconnaîtrait plus.

_ C'est pas la Trompétou avec ses manières de « je ramasse tout » qui va remettre de l'ordre dans ce monde détraqué ! Se permet Tamati.

_ Oh ! La Trompétou fait ce qu'elle peut ! Moins acheter, moins jeter, moins transformer... elle a pas tord dans le fond. Avant, les anciens jetaient tout à la rivière, et elle était moins polluée qu'aujourd'hui avec toutes les stations d'épuration qu'on y a installé! Moi, le Baron, je vous le dit. Trop de progrès nuit !

_ Hé bé ! La lune a mis son beau quartier, je vais au lit. Bonsoir tout le monde !

Reprenant le sentier qui mène au mien, je me dis que peut-être nous aurons des jours meilleurs si les campagnes restent loin des villes, et les citadins moins avides d'air pur et de terrains vierges à dégrader...

 

 

1Chiffons

2Ordures

3Occitanisme pour contrée

Publié dans Cercanières

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