Aux confins de la transhumance?

Publié le par Secador

Il y a bien des années je rêvais de transhumer avec les brebis. Ces longues processions d'animaux encolorés que j'avais parfois croisés en voiture du côté de Saint Guilhem le Désert, quand j'allais jeune encore, piquer une tête au Pont du Diable.

La saison, la famille, le travail, le manque d'audace fit que jamais je ne transhuamais!

Voilà quelques jours, sans que je n'y pris garde, je retrouvais Couffignet. Un pélerinage. J'avais appris avec le temps, et par des livres qui plaident pour les brebis et les sentiers d'autrefois, les drailhes.

(Pierre A. Clément: En Cévennes avec les bergers. Presses de Languedoc/ Max Chaleil Editeur. Et aussi: les Chemins à travers les âges en Cévennes et en bas Languedoc.)

Me voilà donc dans de bonnes chaussures sorti de la voiture laissée auprès d'une ancienne colonie de vacances au pied du col d'Empy où se dresse encore l'école républicaine qui reliait les deux hameaux des Barthèsès et de Couffignet.

Nous y voilà.

Le grand père de ma grand mère, pour faire plus simple, était le tailleur de pierre de la contrée. Vous pouvez encore admirer une des croix calvaire (on ne sait plus très bien pour qui...! était le calvaire!) qu'il tailla dans de la pierre rose qui se rencontre aussi pour les encadrements de fenêtre ou de porte quand ils ne sont pas en granit. Cette croix est au presbytère de Tastavy, lieu où l'on trouve aussi l'église .

Mais aujourd'hui sous un ciel chargé de lourds nuages orageux, je dépasse le col et plonge sur la riante vallée qui entre sapins et prairies, descend avec un ruisseau agressif, vers Couffignet, le confin de la drailhe qui autrefois apportait les troupeaux depuis la vallée de l'Aude.

Demi heure de marche, et voici le hameau. Un dolmen flambant neuf annonce une source entourée curieusement de pierres triangulaires fichées en terre. L'eau qui s'en échappe est recueillie dans un long bassin taillé comme une auge. Puis le ru qui s'en échappe parcours tout le village, en contourne les maisons pour serpenter dans une prairie immense et verdoyante qui s'étale au pied du village. Au moins cinq mille brebis pourraient s'y prélasser, se refaire du voyage et s'abreuver en attendant que le berger décide de les éparpiller dans les monts de Lacaune tout proches.

C'est d'ici que Mathilde un beau matin de mai partit pour ne plus revenir par ce sentier à moitié sous les eaux que je foulais maintenant. Son baluchon sur la tête, elle sautait de pierre en pierre en chantant pour se rendre un peu en contre bas, au-delà de la Gachette, endroit où l'on fait le guet? D'où toute la vallée le la Vèbre se découvre jusque par delà le Somail, ayant pour horizon le pic de Nore au sommet de la montagne Noire. D'un peu plus le guetteur aurait aperçu les Pyrénées.

Elle ne partait pas encore en ses vingt printemps qui venaient à peine d'éclore pour le bas pays. Pas encore. Le temps n'est pas pressé. Juste une journée suivie d'une nuit. Elle s'encaminait tout comme moi vers la Végende. Je dis "en camin", car on ne peut pas dire que ce soit un chemin, encore moins une route, tiens peut-être une drailhe pour les brebis comme celles qui sont rassemblées dans ce pré et poursuivies par un chien zélé dont le maître débonnaire suit de loin les ondulations du troupeau, la veste sur l'épaule, car le soleil troue les nuages et laisse l'orage gronder le lointain. Et vous comprenez qu'ici, on n'est plus vraiment dans le pays ordinaire. Ici, j'ai vu des petits veaux dans les étables. Je les ai effrayés en portant à bout de bras mon appareil photo pour les revoir à mon aise. La seule odeur que je ne puis vous faire partager par le nez, c'est l'odeur du fumier, de la paille, du foin dans les rateliers. Les chats qui sommeillaient dans la litière, pour mieux courser la gente ratine. Puis vers la Végende, les poules dans le pré qui grattaient à la recherche de vers. Il y avait si longtemps que

Publié dans couffignet

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